Le mot archonte est une référence direct au Mal d'archive de Jacques Derrida, où l'archonte est présenté comme le gardien de l'archive.
Depuis 2012, je photographie la Kabylie natale de mes parents. A travers le paysage, le portrait, je reconsidère mon histoire orale et les modalités de sa transmission.
L'oralité et ses modes de transmissions sont aussi indécis que l'EternelJugurtha de Jean Amrouche, un Jugurtha régit par l'émotion et l'impermanence. En tentant de rassembler des éléments historiques parcellaires, je me heurte à un monde ample et mouvant régit par des forces complexes à la fois bienveillantes et iracibles. J'interroge ainsi ma capacité à saisir les histoires de la Guerre d'Algérie ayant donné lieu à une rupture dans mon historiographie personnelle en explorant un territoire physique et psychique. Alors, que reste-t-il de vrai de toutes ces histoires kabyles? Est-ce que la vérité se résume à l'acte performatif de raconter? Ou est-ce l'enregistrement matériel (photographique, vidéo, archival) qui fait authorité?
[I] Que s'est-il passé le 23 mai 1956 dans les villages de Tazrouts, Agouni, Aït Soula? Un ratissage de l'armée française terrassait en une journée 76 hommes et une femme de ces trois villages voisins, les vidant ainsi de leurs forces vivent, assignant des familles à la misère et au traumatisme pour les décennies à venir. Alors âgé de 17 ans, mon père réchappe au ratissage caché par les femmes de son hameau. Des nombreuses exactions sont commises au nom de la colonisation par les militaires de la caserne de Souk Oufella comptant un régiment d'infanterie colonial.
Par la suite, le silence à propos du 23 mai 1956 s'est imposé, pour ne pas devenir fou, pour ne pas créer de discorde à propos d'une délation supposée, pour se protéger mutuellement des humilitations subies.